Bilan 2019 de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau

Publié le 29 novembre 2019


Pour garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et pour assurer une gestion durable des ressources en eau, la loi Brottes de 2013 a introduit la possibilité, pour des collectivités volontaires, de participer à une expérimentation pour une tarification sociale de l’eau et de l’assainissement. Six ans après le début de cette expérimentation, quel est le bilan et quels sont les perspectives ? Des collectivités de métropole et d’outre-mer complètent ce bilan avec leurs retours d’expériences.

Suite à un appel à candidature, cinquante collectivités avaient été retenues en 2015 pour participer à l’opération jusqu’au 15 avril 2019. Toutefois, devant les retards pris dans la concrétisation, la loi de finance pour 2019 a prolongé l’expérimentation jusqu’au 15 avril 2021.

Les collectivités volontaires avaient la possibilité, pendant cinq ans, de mettre en place de nouvelles tarifications de l’eau et/ou de l’assainissement, ainsi que des systèmes d’aides au paiement de la facture d’eau afin de garantir un meilleur accès à ces services. L’expérimentation pouvait porter sur:

  • la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite pour les foyers en situation de vulnérabilité;
  • l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou pour l’accès à l’eau.

Pour le financement des dispositifs, l’expérimentation permettait également:

  • le financement par le budget général de tout ou partie du montant de l’aide attribuée pour le paiement des factures d’eau,
  • l’augmentation du montant maximal de la subvention attribuée au fond solidarité logement (FSL) à 2 %, en dérogation de l’article L.2224-12-3-1 du CGCT qui permet aux services publics d’eau et d’assainissement de contribuer, au moyen d’une subvention, au financement de ces aides dans la limite de 0,5 % des montants hors taxes des redevances d’eau et d’assainissement perçues.

Parmi les 50 collectivités volontaires, certaines ont souhaité interrompre l’expérimentation, pour diverses raisons. Au final, 38 collectivités participaient toujours à l’expérimentation en 2018, représentant une population d’environ 11 millions.

Des dispositifs curatifs et / ou préventifs

Parmi les 31 collectivités qui ont répondu :

  • 41 % ont opté pour un dispositif uniquement préventif (mesures visant à faciliter l’accès à l’eau et le paiement de la facture, soit en amont de la facture (tarification spécifique, modulation de certains postes, etc.), soit par une aide financière au règlement de la facture établie sur le tarif commun à l’ensemble de la population,
  • 14 % pour une dispositif curatif : aide au paiement des impayés de facture d’eau ou des charges incluant l’eau, ou abandon de créance),
  • et 45 % pour un dispositif à la fois préventif et curatif.

Mais malgré la volonté de mettre en place un système préventif et curatif, certaines collectivités font face à des situation d’urgence et doivent concentrer leur dispositif sur des mesures curatives. Cela se traduit souvent par une gestion de dossiers au cas par cas pour résorber des impayés. Le taux de non recours est alors important et le nombre de dossiers acceptés est faible.

Les critères les plus fréquemment utilisés pour déterminer les bénéficiaires sont, du plus souvent utilisé au moins utilisés : revenus du ménage ; composition du ménage ; bénéficiaire de la CMU-c ; part de la facture d’eau dans les dépenses du ménage ; bénéficiaire de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) ; bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA). Plus de la moitié des collectivités ayant renseigné leurs critères de détermination des bénéficiaires (13 sur 25) utilise une combinaison de critères.

Prenant en compte la moyenne des aides accordées par foyer de bénéficiaires dans chaque collectivité, on compte, sur 20 collectivités expérimentatrices ayant renseigner le montant d’aides accordé par foyer, une aide moyenne de 244€/foyers de bénéficiaires, la médiane étant de 55€/foyers de bénéficiaires, plus faible.

Principales difficultés rencontrées

  • Identification des bénéficiaire : l’identification et l’atteinte des bénéficiaires potentiels sont les difficultés les plus rapportées par les collectivités expérimentatrices. La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)et le règlement général sur la protection des données (RGPD) peuvent rendre difficile l’accès aux données nécessaires à l’identification des bénéficiaires.
  • Partenariats : la mise en place de partenariats efficients avec les acteurs sociaux du territoire a souvent été difficile, du fait de partenaires sociaux « relais » surchargés.
  • Non-recours : plusieurs collectivités ont rapporté un important taux de non recours aux aides proposées.La quasi-totalité des dispositifs s’appuyant sur un système déclaratif témoigne de cette difficulté. La non-consommation du budget est très variable selon le dimensionnement de l’aide et peut atteindre jusqu’à 88% du budget attribué chez certaines collectivités. Plusieurs facteurs peuvent causer ce non recours: manque d’information des populations, difficultés pour se rendre dans les services sociaux, choix de ne pas se faire connaître des services sociaux, etc. Par ailleurs, l’interdiction de coupure d’eau en cas de non-paiement des factures (article 19 de la loi «Brottes») peut également rendre le sujet non prioritaire par rapport à d’autres manifestations de la précarité.

La généralisation du principe d’une tarification sociale de l’eau a été proposée en conclusion de la première séquence des Assises de l’eau en juin 2019. Par ailleurs, dans le cadre des discussions au Sénat sur le projet de loi proximité et engagement, le Gouvernement a introduit une disposition pour étendre le cadre de l’expérimentation sur la tarification sociale de l’eau à toutes les collectivités volontaires. En ce sens, une aide à l’échelle nationale pour l’identification des bénéficiaires serait bénéfique.

Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une une tarification sociale de l’eau

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