En France, les inégalités se stabilisent, la pauvreté augmente

Publié le 29 décembre 2021
Source : Maurin Louis, Futuribles, 23 novembre 2021


Cette note produite par la revue futuribles en partenariat avec le Centre d’observation de la société à partir des données provisoires de l’INSEE concernant l’année 2020 propose une analyse des inégalités de niveau de vie et de l’évolution du taux de pauvreté en France depuis les années 70.

Des inégalités de niveau de vie globalement stables :

Selon les données 2020 de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), l’indice de Gini est revenu à son niveau de 2017 (0,29) [1]. Même chose pour le ratio dit de Palma, qui rapporte la masse globale des revenus que reçoivent les 10 % les plus riches à celle des 40 % les plus pauvres, qui s’établit à 1,06. Dans les années récentes, les mesures très favorables aux plus aisés prises en 2017 ont ensuite été compensées, notamment par le soutien aux bas revenus en 2019 — hausse de la prime d’activité —, obtenu suite aux manifestations des gilets jaunes.

Si on prend du recul, on observe une réouverture des écarts vers la fin des années 1990 et surtout au début des années 2000, avant même la crise de 2008. Après des décennies de diminution (1970-1980), les inégalités de niveau de vie ont alors commencé à augmenter. D’abord par le biais de l’envolée des revenus des catégories aisées, puis par la stagnation du niveau de vie des catégories moyennes et populaires. Depuis 2012, les évolutions sont limitées. Le niveau des inégalités est en 2020 similaire à son niveau du milieu des années 2000.

Si l’activité ne reprend pas durablement et qu’aucune mesure de redistribution des revenus n’est mise en place, la stabilisation actuelle ne pourrait être qu’une parenthèse. On pourrait alors revenir, d’ici à une décennie, à un niveau d’inégalité de revenus comparable à la situation des années 1970. Inversement, une baisse du chômage assortie de garanties sur la qualité de l’emploi (salaire et statut) pourrait effacer assez vite les effets de la hausse des inégalités constatée entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2000.

Mais un taux de pauvreté en évolution :

Du côté de la pauvreté, la situation est différente. En 15 ans (de 2004 à 2019) le taux de pauvreté a progressé de 7 % à 8,2 % au seuil situé à 50 % du niveau de vie médian, et de 12,7 % à 14,6 % au seuil à 60 %. Selon le premier seuil, le nombre de pauvres a augmenté de 1,1 million (passant de 4,1 à 5,2 millions). En 2019, le taux de pauvreté a retrouvé son niveau de 1979.

Si la pauvreté a baissé dans les années 1970 et au début des années 1980, notamment du fait de l’amélioration de la situation des personnes âgées, le milieu des années 1990 et surtout le début des années 2000 ont marqué un tournant. La pauvreté progresse alors sous l’effet de plusieurs facteurs : la hausse du nombre de familles monoparentales aux faibles revenus et une croissance économique qui demeure historiquement faible avec pour conséquence un niveau de chômage élevé. La détérioration structurelle du marché du travail (précarité et bas salaires notamment) pèse en particulier sur le niveau de vie des plus jeunes.

Selon les données provisoires de l’INSEE concernant l’année 2020, le taux de pauvreté n’aurait pas augmenté. Globalement, les revenus sont restés quasiment stables en 2020, alors que l’activité a baissé de 8 %. Pour autant, cette situation n’est pas incompatible avec la croissance d’une forme de grande pauvreté, notamment celle de jeunes se retrouvant sans ressources.

L’évolution actuelle de l’emploi est favorable. Si elle se poursuit durablement, la pauvreté devrait diminuer mais cette évolution positive est conditionnée à la qualité des emplois et des personnes qui peuvent les occuper, les mesures de formation à disposition des moins qualifiés jouant un rôle majeur.

(1) Le coefficient de Gini permet d’évaluer le degré d’inégalité dans la distribution des revenus d’un pays donné. Il varie entre 0 et 1 (0 signifiant une égalité parfaite, 1 signifiant une inégalité totale)

Lire l’article de la revue Futuribles