DPE : comment la baisse du coefficient d’énergie primaire va réduire le nombre de passoires thermiques (en théorie…)

Publié le 29 septembre 2025
Source : RAPPEL, Septembre 2025


Le Premier Ministre a annoncé le 9 juillet 2025 la baisse du coefficient d’énergie primaire de l’électricité dans le calcul du DPE : fixé à 2,3 aujourd’hui, il passera à 1,9 à partir du 1er janvier 2026. Cette révision devrait faire sortir plus d’un million de logements du statut de passoires thermiques, au détriment de leurs occupants et notamment des locataires.

De quoi parle-t-on ?

Les résultats d’un DPE sont détaillés en énergie primaire, c’est-à-dire l’énergie disponible dans les ressources naturelles (comme le bois, le gaz, le pétrole, le vent, le soleil, etc) avant toute transformation. L’uranium n’est pas considéré comme une énergie primaire. Par convention, c’est la chaleur produite par les centrales nucléaires qui est comptabilisée comme énergie primaire.

L’énergie finale quant à elle correspond à l’énergie consommée et facturée à chaque bâtiment, en tenant compte des pertes lors de la production, du transport et de la transformation du combustible.

Mis à part l’énergie électrique, le coefficient de conversion de toutes les énergies est de 1 (énergie primaire = énergie finale) : cela concerne le fioul, le charbon, le gaz mais aussi le bois, le vent, l’eau et le soleil, qui nécessitent peu ou pas de transformation pour leur utilisation finale.

Pour l’électricité, 1 kWh en énergie finale équivaut aujourd’hui à 2,3 kWh en énergie primaire : dans le calcul du DPE, l’électricité utilisée par l’usager est donc ramenée en énergie primaire en multipliant la consommation par 2,3.

Le coefficient passe à 1,9 à partir du 1er janvier 2026

En 2022, ce coefficient était déjà passé de 2,58 à 2,3 et en 2023, deux sénateurs avaient même proposé que le coefficient soit réduit à 1. C’est par un arrêté du 13 août 2025 que le Gouvernement de François Bayrou a acté la baisse du coefficient à 1,9 à partir de janvier 2026, venant s’aligner avec la directive européenne sur l’efficacité énergétique (art. 31). Et ce malgré les avis majoritairement défavorables des instances de consultation et de dialogue du secteur (Conseil Supérieur de la Construction et de l’Efficacité Énergétique et Conseil Supérieur de l’Energie, plus hésitant en Conseil National de l’Habitat).

1,2 millions de logements sortis mécaniquement du statut de passoire thermique

Cette nouvelle révision à la baisse du coefficient vient avantager le DPE des logements chauffés à l’électricité (y compris les systèmes moins performants et plus coûteux pour les ménages) : un même convecteur électrique consommera moins d’énergie sur le DPE, sans aucun autre changement sur le fond.

Selon l’exécutif « cette évolution permettra […] de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité, y compris lorsqu’ils ont fait l’objet de travaux de rénovation. » La valeur actuelle de 2,3 freinerait également la sortie du gaz dans les bâtiments.

De son côté, un collectif d’acteurs de la défense des consommateurs, de la lutte contre l’habitat indigne ou encore de la rénovation énergétique (UFC, réseau Cler, Fondation pour le Logement, FNE, association négaWatt, etc.) alerte, dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre, sur l’impact négatif d’une telle révision : revaloriser artificiellement l’étiquette énergie fera instantanément sortir des classes F et G environ 1,2 millions de passoires thermiques chauffées par des convecteurs électriques, et ce sans aucuns travaux de rénovation. Ce sont souvent les plus précaires qui vivent dans ces logements dont les factures ne vont faire qu’augmenter et ceux qui en sont locataires voient s’éloigner toute incitation ou obligation du propriétaire à rénover (un logement locatif qui passerait de la classe F à la classe E ne serait par exemple pas concerné par l’interdiction de location des passoires énergétiques avant 2034).

Le collectif souligne également deux autres conséquences :

  • L’amélioration en trompe-l’œil des étiquettes DPE des logements chauffés à l’électricité viendra induire en erreur les acheteurs et locataires par des étiquettes très flatteuses mais masquant un niveau de consommation d’énergie et des factures de chauffage anormalement élevées, avec un risque de fragilisation de la confiance dans le DPE
  • Cette réforme pourrait également réduire le nombre de pompes à chaleur à installer d’ici 2030 au profit de simples convecteurs électriques (moins chers à l’installation mais peu efficaces et donc très coûteux à l’usage).

Cette révision selon le collectif se ferait donc au détriment « des ménages les plus vulnérables et des entreprises du secteur » et « ne saurait remplacer une politique ambitieuse de rénovation performante. »

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