Le projet de loi Climat et résilience débattu au Parlement

Publié le 29 avril 2021
Source : RAPPEL, Avril 2021


Nouvelle définition d’une rénovation « performante », location des passoires thermiques « interdites », accompagnement des ménages « de bout en bout »…. Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a été présenté par le Gouvernement le 10 février dernier. L’examen par l’Assemblée nationale s’est achevé le 17 avril avant de passer par le Sénat à partir du 10 mai. Tour d’horizon des mesures qui doivent permettre de favoriser la rénovation énergétique des logements, mais dont certaines paraissent insuffisantes pour lutter contre la précarité énergétique.   

Une nouvelle définition de la rénovation « performante » 

Une nouvelle définition de la notion de « rénovation performante » serait introduite au sein du Code de la construction et de l’habitation. Elle concernerait les opération de rénovation permettant un gain d’au moins deux classes énergétique cumulé à l’atteinte de la classe A, B ou C, voire D pour les bâtiments qui ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre la classe C (pour des raisons techniques, architecturales ou de coûts disproportionnés par rapport à la valeur du bien).

Pour le Gouvernement, cette « définition est la bonne car elle va permettre de déclencher les travaux et d’atteindre les objectifs climatiques » explique Emmanuelle Wargon, ministre chargée du Logement. « Nous privilégions la massification avec un niveau de performance significatif. On ne vise pas la rénovation parfaite. Celle-ci existe, mais elle est rare et ne concerne que quelques milliers de logements par an ».

Mais pour certains acteurs du monde économique, de l’environnement et de la précarité, cette mesure est qualifiée de « bond en arrière pour la rénovation énergétique ». Elle rendrait peu compréhensible la notion de performance en rénovation par rapport au diagnostic de performance énergétique (DPE) : la loi définirait comme « performante » une rénovation permettant au bâtiment d’atteindre la classe C voire D du DPE alors que l’objectif de performance moyenne du parc fixé dans les documents directeurs nationaux (Stratégie nationale bas carbone et Programmation pluriannuelle de l’énergie) et le Code de l’Énergie se réfèrent au niveau « BBC rénovation », équivalent aux classes A ou B. Le collectif alerte également sur les conséquences désastreuses d’une telle définition et notamment le gaspillage des fonds publics pour soutenir des travaux insuffisants qui feront difficilement baisser la facture énergétique des ménages ou encore le risque d’apparition massive de pathologies dans des logements rénovés que partiellement.

La non-décence des logements

> L’interdiction à la location des logements F et G au 1er janvier 2028

Pour rappel, les textes réglementaires parus en début d’année fixent un seuil évolutif de performance énergétique à partir duquel un logement sera considéré comme non-décent : 450kWh/m2.an en énergie finale à partir de 2023, 450kWh/m2.an en énergie primaire à partir de 2025 puis 330 kWh/m2.an en énergie primaire (soit tous les logements classés F et G du DPE) en 2028.

Le projet de loi (article 42, adopté) propose qu’à compter du 1er janvier 2025, le logement énergétiquement décent ne soit plus défini en fonction d’un « seuil maximal de consommation d’énergie », mais réponde à un « niveau de performance énergétique minimal », défini par décret (les niveaux de performance seraient écrits dans la loi, par ordre de performance croissant de « extrêmement consommateurs d’énergie » – classe G – à « très performants » – classe A – pour assurer la cohérence avec les seuils de performance énergétique du futur DPE). Ainsi seraient considérés comme non-décents (et donc interdits à la location) :

  • Les logements de classe G à partir de 2025 (soit 600 000 logements) ;
  • Les logements de classe F et G à partir de 2028 (soit 1,8 millions de logements) ;
  • Les logements de classe E, F et G à partir de 2034 (soit 4.4 millions de logements).

Si la logique du projet de loi est d’inciter les propriétaires bailleurs de logements non-décents à les rénover plutôt que d’encourir le risque de sanctions en cas de location d’un logement non-décent, celle-ci n’est pas partagée par certaines associations. Et notamment Greenpeace, la fondation Abbé Pierre et Alliance citoyenne qui sont venus réclamer devant le ministère de la Transition écologique des mesures plus ambitieuses sur la rénovation des passoires thermiques, pendant l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

Selon Étienne Charbit (CLER Réseau pour la transition énergétique), « un logement de classe G, F ou E pourra être déclaré indécent, ce qui signifie que le locataire pourra se retourner contre son propriétaire pour exiger des travaux. Ce n’est donc pas vraiment une interdiction. » Et Manuel Domergue (Fondation Abbé Pierre) d’ajouter : « les locataires pourront demander une rénovation à leurs bailleurs. Mais cela ne veut pas dire que tous les logements seront rénovés à ce moment-là. Certains seront juste déclarés comme indécents et cela donnera une arme aux locataires pour imposer des baisses de loyer ou des travaux. Mais dans les faits, c’est une petite minorité qui va s’emparer de ces armes, car ce sont de longues démarches ». Consulter également un reportage de L’oeil du 20 heures qui explique « pourquoi certains propriétaires pourront continuer à louer des passoires thermiques après 2023 ».

Enfin, cette mesure serait inapplicable en copropriété car selon la ministre chargée du Logement les propriétaires bailleurs empêchés par la copropriété de faire des travaux (en assemblée générale) ne peuvent se voir ordonner de les réaliser par la justice : « Le propriétaire devra simplement montrer qu’il a fait une demande de travaux et qu’il a voté pour ces travaux » et qu’il a réalisé les travaux nécessaires dans les parties privatives. Au risque que son locataire attaque le propriétaire en justice si le logement n’est pas décent : «Le juge peut ordonner que le propriétaire baisse les loyers. C’est la double peine pour eux! Les contentieux pourraient se multiplier », réagit Pierre Hautus, directeur général de l’Union des propriétaires immobiliers.

> La transmission des données du DPE pour la conservation de l’allocation logement

Un amendement au texte initial, adopté en 1ère lecture, propose que les données du DPE soient mises à la disposition des caisses d’allocations familiales et des organismes de la mutualité sociale agricole pour leur permettre de conserver l’allocation de logement dans le cas où des logements locatifs n’ont pas une performance énergétique suffisante pour être considérés comme décents (cf. point précédent). Il s’agit d’un outil potentiellement très efficace pour contraindre à la réalisation de travaux des bailleurs privés qui proposent à la location un bien de qualité très moyenne ou médiocre et ciblent délibérément les ménages aux ressources modestes, éligibles aux APL, lors de leur recherche de locataire. Cette mesure devra s’accompagner d’une information accrue pour les locataires et les bailleurs sur leurs droits et leurs devoirs en matière de décence, et sans doute d’un renfort de moyens humains pour les Caf et MSA mises à contribution (pour contrôler les sortie d’indécence notamment).

Par ailleurs, cet amendement vise à préciser explicitement que l’autorisation préalable de location prévue par les articles L. 635-1 à L. 635-11, dans le cadre de la mise en place sur un territoire d’un permis de louer, est également subordonnée au respect par le logement mis en location des critères de décence prévues par l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Là encore, les capacités de contrôle des collectivités mettant en place le permis de louer devront être renforcées pour que la loi soit pleinement respectée (et les sanctions appliquées en cas de non respect par les bailleurs de la demande d’autorisation préalable de location) .

> L’interdiction d’augmenter le loyer des logements F et G étendue

L’interdiction d’augmenter les loyers des passoires énergétiques serait étendue à l’ensemble du parc locatif privé, et plus seulement aux logements situés dans les zones tendues, que ce soit à la relocation du bien entre deux locataires, au cours du bail ou lors de son renouvellement. Cette interdiction s’appliquerait aux logements loués vides, meublés ou dans le cadre d’un bail mobilité et s’appliquerait un an après l’entrée en vigueur de la loi en métropole et à compter du 1er juillet 2023 en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

Une obligation progressive d’accompagnement aux travaux de rénovation énergétique

En s’appuyant sur certaines préconisations du rapport d’Olivier Sichel, le projet de loi (article 43) prévoit de renforcer le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPEEH) avec notamment :

  • Un accompagnement global des ménages par des professionnels agréés par l’État (architectes, maîtres d’œuvre, professionnels de la rénovation, structures porteuses du guichet du service public, etc.), depuis le diagnostic jusqu’au suivi des travaux, en passant par le plan de financement et le choix des artisans ;
  • L’obligation progressive de cet accompagnement dans le cadre de l’octroi de MaPrimeRénov’ ou des autres aides de l’Anah, à priori à partir du 1er janvier 2023 ;
  • La transmission, entre les différents intervenants, des données du parcours de rénovation des ménages.

Il est également prévu que le SPEEH soit destinataire de l’audit énergétique obligatoire lors de la vente d’un logement F ou G, ainsi que les coordonnées de l’acquéreur, à des fins d’information et de conseil.

Une aide pour financer le reste à charge des ménages modestes

Repris également du rapport d’Olivier Sichel, le texte introduit un « prêt avance rénovation ». Garanti par l’État, il doit permettre aux ménages modestes ou à ceux qui ont des difficultés à accéder au crédit de financer le reste à charge des travaux de rénovation énergétique de leur logement en reportant le remboursement de l’emprunt au moment de la vente du logement.

Un DPE et un plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés

L’obligation de réaliser un DPE collectif serait étendue à l’ensemble des bâtiments d’habitation collectif dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013. Elle ne serait donc plus limitée aux seuls bâtiments équipés d’une installation de chauffage ou de refroidissement et implique pour les copropriétés de réaliser un DPE d’ici fin 2024 ou 2025 (selon le nombre de lots).

La réalisation d’un plan pluriannuel de travaux serait aussi obligatoire dans les copropriétés de plus de 15 ans. Réalisé à partir d’une analyse du bâti et des équipements de l’immeuble, il comprendrait notamment une liste des travaux hiérarchisés permettant, entre autres, la réalisation d’économies d’énergie (avec niveau de performance énergétique attendu), ainsi qu’une une estimation du coût et une proposition d’échéancier sur 10 ans. L’article de loi prévoit la création des provisions correspondantes dans le fonds de travaux de la copropriété et la disposition entrerait en vigueur entre janvier 2023 et janvier 2025 selon la taille de la copropriété.

Un rapport du Gouvernement sur la rénovation énergétique

Tous les deux ans à compter du 1er juillet 2021, le Gouvernement serait tenu de présenter au Parlement un rapport sur l’état du logement en France avec des données sur le nombre de rénovations énergétiques effectuées chaque année et, notamment, le nombre de rénovations performantes.

Les sources nous ayant permis de rédiger cet article :